Textes de réflexion

C'est une église de campagne comme il y en a tant d'autres :
Un clocher autour duquel sont groupées les maisons du village.
Ici, la messe est encore assez régulièrement célébrée vu le nombre d'habitants.

C'était la fin de journée et j'ai trouvé l'église ouverte, alors je suis entrée.
Dans la chaleur du jour, la fraîcheur et, oh, une lampe rouge ! Jésus était là.
Comment ne pas rester prier ?

Je pensais à ces églises isolées dont, souvent les rangs se clairsèment à chaque décès ou quand Mme Machin devient décidément trop âgée pour venir. Et, pourtant, qu'ils sont grands, qu'ils sont beaux et qu'ils sont forts ces vaisseaux de pierre ! Construits pour rassembler l'Eglise, pour prendre vraiment soin du peuple de Dieu célébrant en leur giron. Et, si souvent, vides : sans tomber dans le misérabilisme et le catastrophisme, quelle forte espérance il doit falloir certains jours !

Et pourtant ici se sont déjà succédé des générations et des générations de croyants :
Seigneur, continue de donner la grâce de la foi comme Tu le veux chez ton peuple.
Donne-leur de Te connaître, de T'aimer, de Te suivre.

Il était peu ou prou l'heure des vêpres alors, pour faire vivre davantage ce lieu, j'ai fait ce que je fais rarement quand je suis seule : je me suis mise à chanter l'office et ma voix résonnait, étrangement seule, dans ce vaste bâtiment.

Il m'a semblé qu'ainsi j'aidais un peu cet endroit à vivre, à respirer ce pour quoi il a été bâti.
Car ce n'est pas seulement en chaire que s'écrit la foi mais aussi bien en chair ;
Dans nos voix, dans nos mains, dans nos vies, dans notre prière,
S'élevant avec assurance vers Lui,
Continuant à veiller mystérieusement sur ce peuple, même sur les plus absents. 

 


 

Contrairement à l'amour, l'amitié est par définition réciproque. On peut aimer quelqu'un sans qu'il le sache, mais on ne peut être l'ami de quelqu'un à son insu. Cela ne veut pas dire que la relation d'amitié est identique chez les deux amis, car chacun est bien lui-même, il a son histoire, sa manière d'aimer, de faire confiance, de manifester sa sympathie. Mais la relation est réciproque : chacun éprouve de l'amitié pour l'autre et se réjouit de sa présence. Cela est vrai de la relation que Dieu cherche à vivre avec l'homme.

Il n'y a pas d'égalité entre Dieu et l'homme, car l'un est Dieu et l'autre est l'homme, mais il y a réciprocité dans la relation. Si chacun se donne totalement, si l'homme se donne comme Dieu se donne, ils entrent en relation de manière égale, totalement. Cela permet de regarder la foi, par exemple, d'un oeil renouvelé : la foi est l'une des dimensions essentielles de cette relation entre l'homme et Dieu. Elle participe donc à la réciprocité. Tu donnes à Dieu ta foi, et tu découvres que déjà, il croyait en toi. Tu cherches à l'aimer, et tu comprends qu'il te faisait confiance. La mesure de sa confiance en toi n'est pas ta confiance en lui. Car il t'a fait confiance, il t'aime en se donnant totalement.

Jean-Marie Gueulette

Laisse Dieu être Dieu en toi - petit traité de la liverté intérieure, p.ttp://www.pelerin.com/A-la-une/Les-10-conseils-du-pape-pour-etre-saint


L'homme eucharistique, c'est celle ou celui qui se fraye un chemin au milieu des embûches, malgré son mauvais caractère ou les débordements dans lesquels il se noie, pour tenter chaque jour d'aimer, un peu, et de vivre mieux qu'hier ou moins mal. L'homme eucharistique, c'est celui qui accepte un jour de perdre le sévère jugement qu'il portait sur lui-même pour recevoir dans la pauvreté cette parole que le Christ offre à tous ceux qui veulent la recevoir : "Moi non plus, je ne te condamne pas" (Jean 8, 11).

L'homme eucharistique, c'est celui qui - alors qu'il ne peut pas pardonner - espère qu'un jour, il aura le désir de pouvoir pardonner.

L'homme eucharistique, c'est celui qui abandonne la fascination pour la mort et fait un pas de côté pour que la vie soit possible. Qui, comme Elie, accepte une galette amenée par un corbeau, se relève alors qu'il se laissait mourir et entend cette parole qui accompagne - qui est ? - le pain du ciel : "Lève-toi et mange, autrement le chemin serait trop long pour toi." (1 Rois 19,7)

Sr Anne Lécu,  Ceci est mon corps, p. 146. 


« Vivre pour l’éternité réclame un tel changement de perspective, un renversement si radical que les meilleures volontés peinent à y parvenir. Ce n’est pas pour rien, sans doute, que les portails des cathédrales ont fait de l’acrobate, capable de marcher sur les mains, l’image de la conversion à laquelle nous sommes appelés : conversion ne veut rien dire d’autre que renversement. D’ordinaire nous marchons sur nos pieds et nous avons la tête vers le haut. Mais quand il dit « convertissez-vous », Jésus nous dit « retournez-vous » ; et pas seulement « tournez la tête pour regarder dans la bonne direction », mais encore « renversez-vous, renversez votre manière de voir le monde ». Il s’agit de vivre tourné vers le ciel. Il s’agit de reverser les valeurs de succès et de réussite, pour vivre avec une autre logique, la logique du Royaume. Ce Royaume où les derniers sont les premiers, où ceux qui ont à peine travaillé sont payés autant que ceux qui ont trimé toute la journée, où on ne possède que ce qu’on donne, où seuls les faibles sont forts, parce qu’ils n’ont rien d’autre, comme sécurité, que la force de Dieu. C’est un peu fou, quand on y réfléchit. Si nous étions vraiment chrétiens, les gens devraient aussi penser que nous sommes un peu fous ; ils devraient penser que nous marchons sur les mains. Parce qu’ils ne savent pas que c’est en voyant le monde à l’envers, en sortant de nos logiques si familières d’égoïsme et de sécurité, qu’on voit enfin le monde comme il est, c’est-à-dire comme Dieu l’a voulu. Le vrai fou n’est pas forcément celui qu’on croit. » (p. 84-86)

 


Aujourd’hui, je comprends qu’il n’y a pas de spiritualité chrétienne sans écologie, une écologie au sens large. Il ne faut pas se tromper sur le sens de l’écologie. Je parle d’une écologie intégrale, pas intégriste; une écologie systémique qui inclut toute la création, l’humain y compris (écologie et pauvreté sont d’ailleurs intimement liés). La spiritualité chrétienne est par essence, une spiritualité de l’incarnation, souffle et matière – « Dieu s’est fait chair ». La chair de Dieu s’est le Christ, mais aussi toute la création sans une exception, qu’Il récapitule. L’écologie intégrale n’est pas un environnementalisme, ce n’est pas une somme de gestes à faire pour la planète, même si cela est nécessaire, c’est une vision et une relation au monde renouvelée qui nous engage dans la totalité de notre être, dedans/dehors, individuellement et collectivement, et qui précède et induit les comportements écologiques. L’écologie n’est pas une option, c’est une nécessité intrinsèque à notre foi. Ce n’est pas la crise, la situation actuelle, qui nous engage à être « écolo » ; ajuster notre vision et nos comportements est un impératif éthique et spirituel intemporel. La situation actuelle rend cet impératif non optionnel.

Tiré d'un blog Une plume pour la Terre


Johnny le chanteur, Dieu et l’Église catholique

Publié le samedi 9 décembre 2017à 18h40  Par Isabelle de Gaulmyn de la Croix


La France reste un pays catholique. Ce que la célébration de ce matin, pour les funérailles du chanteur Johnny Hallyday, vient une nouvelle fois de montrer. Un pays catholique ne signifie pas, comme on le répète à l’infini à coup d’enquêtes sociologiques angoissantes, un pays où 90 % des habitants vont à la messe. C’est un pays imprégné de l’histoire, de la culture, des symboles, -des sacrements – catholiques. Un pays où l’Église reste présente au moment des grands passages de la vie des gens, et en particulier pour le plus grand de ces passages.

Foi et pratique
Le chanteur n’allait vraisemblablement pas tous les dimanches matin sur les bancs d’une paroisse. À vouloir emprisonner la foi dans une série d’interdits et de dogmes, on finit par oublier qu’elle n’est pas réservée à un petit nombre de parfaits, une sorte d’élite de croyants, mais doit toucher tout un chacun. Ce risque menace toujours la religion. On se souvient d’une époque où l’Église refusait de célébrer les funérailles des « saltimbanques ». Aujourd’hui, la sécularisation fait courir un autre risque : celui de confondre pratique et foi, de ne s’adresser plus qu’à une petite minorité, qui se retrouve dans des communautés fermées.
La cérémonie de l’église de la Madeleine, ce matin, et la ferveur qui l’a entouré, montre que le catholicisme a encore cette vertu de rejoindre dans notre pays, bien au-delà des pratiquants, les gens dans leur quotidien, dans ce qu’ils ont de plus profond de ce quotidien. Dans son dernier livre, « l’urgence pastorale », le théologien Christoph Théobald parle d’une « foi élémentaire », abondante dans notre pays, et qui s’exprime à travers tous ces gestes de fraternité, de solidarité, d’amitié, que Johnny savait si bien chanter. Une piété qu’on dit « populaire », mais qui réunit bien davantage d’hommes et de femmes que les chrétiens « confessants », et qui sait s’inscrire dans tout un ensemble de symboles et de rites.

L’essentiel du christianisme s’est dit à la Madeleine. Au fond, dans la célébration des funérailles du chanteur, il s’est dit l’essentiel de la foi chrétienne : l’espérance. Car l’émotion, le chagrin, l’amour qui transparaissaient dans cette foule immense, exprimaient mieux que tout discours que la mort n’aurait pas le dernier mot. C’est bien à ce moment où nos perspectives humaines sont atteintes par la mort, que l’on a besoin d’éprouver, collectivement, cette radicalité lumineuse qui veut que l’on « espère contre toute espérance ». Le rapport à la mort représente aujourd’hui le problème majeur de nos sociétés. Il est heureux que l’Église sache encore être présente dans ces moments-là.

 


 

Lettre à ceux qui ne se lèvent pas le dimanche


Pourquoi aller chaque dimanche à la messe ? Michel Fourcade, historien, nous livre, dans un texte enflammé et très personnel, ses raisons de participer à la messe dominicale.


Ils ne le savent pas qu’ils nous manquent à la messe tous ceux qui n’y vont pas. Ils ne s’en doutent pas ; ils croient que ça nous est égal. Que personne ne compte, que personne ne voit.
Que c’est chacun pour soi. Ils nous manquent. Ils s’imaginent avoir enfin trouvé le non-acte gratuit, l’omission qui ne fait de tort à personne. On ne leur a pas dit ces trois minutes bruyantes et vides après la cloche, on ne leur a pas dit ces trois minutes où on attend, et leur saveur de terre.
Ils voudraient bien tout partager, mais croient que c’est possible sur les seuls jours ouvrables.
Ils passent dans nos vies dans les six autres jours de notre satiété : l’appétit du dimanche, et ce désir de partager le pain, ça, ils ne savent pas.
Tout notre éros du dimanche matin, c’est jeté aux oiseaux, ou aux chiens. Six jours sur sept, ils nous croient orphelins. Notre Père du dimanche matin, ils l’ignorent. Ils ne veulent pas dire nous, ils ne veulent pas dire nôtre.
C’est eux et Dieu, voilà, tout seuls ; un je te tiens, tu me tiens par la barbichette ; ils disposent d’une ligne directe. Ils s’expliqueront bien tout seuls, ils se suffisent. Soit. On ne leur a pas assez dit qu’en se retenant ils nous privent.
Une heure de plus, ou deux peut-être, en comptant tous les à-côtés, une heure de plus pour néanter, au lit avec le café, quoi, une heure de plus de néantement, est-ce que véritablement ça s’impose ?


Ils lavent leur voiture, ils promènent leurs accessoires, ils tondent leur gazon, ils néantent. Ils ne vont pas sortir dehors par ce temps-là, ils ne vont pas s’enfermer par un temps pareil, ils ne manquent jamais de raisons météorologiques.
L’amour, disent-ils – mais nous le faisons aussi. Serait-ce la pudeur ou un désir trop court qui les retient ?
Déchiré le commandement qui nous tenait ensemble : “Arrête ! Et vois que je suis Dieu.” Il avait pourtant pris la douceur d’une invite : il en est du Royaume comme d’un roi qui fait un festin de noce pour son fils.
Mais tous s’excusèrent de la même façon. Je viens d’acheter un champ, je dois aller le voir, dit le premier. Et l’autre : “Je viens d’acheter des bœufs et je pars pour les essayer”.
Un troisième ajouta : “Je viens de me marier, et je ne puis venir”. Alors, le maître de maison dit à son serviteur : “Va-t-en par les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les aveugles et les estropiés.” Croient-ils vraiment n’entrer dans aucune de ces catégories ? Et leur misère d’hommes, qui l’assume et l’apaise ? Confiteor. “On se sent la toute petite chose que l’on est. Il y a une lumière dans ce vide qui vient d’ailleurs. Ma misère est avec moi comme une chose dont un miracle aurait soudain soustrait le poids.”
Tout le temps cependant, ils se racontent tout le temps, mais le pardon du dimanche matin ils n’en sentent pas le besoin.


Leur histoire est toujours la même, chaque lundi ils recommencent ; la page blanche du dimanche ils s’en passent très bien. “Vois, je fais toutes choses nouvelles.” Ils s’accrochent chez eux, ils préfèrent meubler leur vie dans de l’ancien.
Et Abraham, alors, quand est-ce qu’ils lui parlent ? Et tout le bataclan aussi, qui s'entasse en vrac dans le grenier biblique, que l'on ne sort qu'une fois l'an, pièce par pièce – liturgie de l'époussetage ; cela ne concerne que moi ?


Les flots engloutissant l'armée des Égyptiens, les tables de la Loi et le cri des prophètes, cela n’existe plus ?
La femme au manteau de soleil, le tombeau vide ; la route d’Emmaüs et le vin de Cana, ce serait à moi tout seul, rien qu’à moi ?


Où placent-ils leurs espérances s’ils ignorent tout des promesses ?
Ils ne le savent pas non plus tout ce qu’une bonne communion des saints simplifie. Ce qui passe par le pain et le vin, ce n’est rien à leurs yeux, c’est sans poids, cela n’existe pas.
Le père et la mère et les frères, on ne leur a pas assez dit que le dimanche matin c’était donné, c’était gratuit.
Ils disent que de toute façon, ils ne sont pas en règle, qu’on a fermé la porte. Ils abandonnent leur hostie au démon de la théorie. Ils semblent tout ignorer des intrépidités de la foi qui transgresse ; leur désir serait-il moins fort que celui de la femme impure qui vint toucher le vêtement de Jésus, sur la pointe des pieds, par-derrière : “Ta foi t’a sauvée ; va en paix, sois guérie.”


Et la païenne de Tyr ou de Sidon, qui pour sa fille malade mendiait une guérison, et que le Seigneur même rabrouait : “On ne peut prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens.” “C’est vrai ! Mais les petits chiens mangent les miettes des enfants.”
Auraient-ils moins de répartie ? “Femme, ta foi est grande. Qu’il t’arrive comme tu veux.” Qu’ils se mêlent sans crainte ; nous sommes tous passés du côté du Prodigue ou de la Phénicienne : “J’ai péché contre toi et je ne suis pas digne d’être appelé ton enfant.” Tous agenouillés sous la table, nous partageons les miettes : “Mais dis seulement une parole et je serai guéri.”


Ils nous manquent : c’est comme si soudain se dérobaient un œil ou une main. Le compte n’est pas bon. Elle est perdue cette satisfaction que l’on pouvait avoir petit d’avoir achevé sa prière.
On ne suffit plus à la tâche, on ramène des louanges et des supplications à la maison. La quantité de ce qui est offert et sauvé diminue. Et leurs amis, et leurs morts, qui les nomme ?
On pense à l’économie du salut, on s’inquiète. On aura encore consacré trop d’hosties ; il va y avoir des restes.
Krach dans la réserve eucharistique ; dimanche matin noir, dans l’histoire du salut. Tout dégringole. Avec qui allez-vous parler mon Dieu ; ça va être encore pour ma pomme.
J’aurais voulu qu’ils se présentent avec leurs mots, qu’ils posent un Je face à ta face, qu’ils expérimentent eux aussi un peu de ta présence réelle. Ils nous manquent ; toute cette Église écroulée, c’est oppressant, c’est comme si on priait dans les fantômes.


Je les ai toutes aimées ; les messes de la neige et les messes du sable ; les eucharisties sur le coin d’une table ; les messes que l’on passe à faire taire les enfants ; l’encaustique, le latin et l’encens ; la grand-messe du 15 août envahissant les pâturages ; les messes où sifflent les micros et celles qu’assourdissent le vent ou les cigales ; les messes grégoriennes, les messes chansonnettes, les messes chevrotantes ; celles qui rient, qui pleurent, quand on béatifie et quand on bêtifie ; les messes où j’ai brûlé et celles où j’ai dormi : “Dès qu’en mon nom, deux ou trois sont réunis…”

Je les ai toutes aimées, même celles ratées, où la présence amère ne recevait son sens que d’une participation au sacrifice. Et là, soudain, dans l’effort même, la joie toujours, la joie - celle d’être appelé et celle de répondre avec tous “me voilà”. »

 


Clliquer ici pour voir la conférence inspirée par Joseph Moingt (Conférence des baptisés)

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